Derrière moi
J’ai laissé derrière moi la noirceur de la ville, abandonné les bouges de mes cauchemars et les sombres impasses aux pavés glissants vers un avenir douteux.
Oublié les pigeons qui venaient manger dans le creux de ma main, souriants de toutes leurs dents devant mon air affable.
Fermé la porte à ces souvenirs qui revenaient me hanter les soirs où le sommeil trahissait mes nuits pour s’en aller traîner ailleurs.
J’ai jeté la musique lancinante qui poussait sur ma vieille guitare comme un chiendent les matins d’été, quand je rêvais d’autres lieux, d’autres vies.
Enfin j’ai brisé les amarres de cette histoire trop petite, pris le risque insensé de danser sur le ballon géant de la foire des hommes, bras tendus vers autre chose que le vide qui nous aspire dans le tourbillon des aiguilles de la triste toquante qui siphonne goulument les heures qui nous menacent.
Doucement je me suis éloigné de l’asphalte brillant qui a si longtemps retenu mon esprit fugueur pour reprendre les chemins plus intimistes de la découverte de soi.
Imperceptiblement j’ai changé de cap pour me détourner des récifs où mes rêves allaient se briser. J’ai repris ma vie et cru que je devais réanimer les utopies qui consolaient mes souvenirs.
J’ai lâché le stylo noir pour des crayons de couleurs, serré des mains, réveillé mon égo en me croyant utile, fait parler mon nombril le prenant pour mon cœur.
De jour en jour ce que je pensais facile prenait un mauvais tour, les obstacles se faisaient plus hauts et les barrières infranchissables. Les heures qui s’égrainaient ne m’appartenaient plus, je me noyais dans la spirale du temps les mains vides et le remord amer, certain de n’être pas tout à fait sincère.
Il me manquait l’écriture, l’échappatoire du mensonge, la carte biseautée qui donne bonne conscience. Me dissimulais-je derrière cette prestidigitation ? Je l’ignore et la réponse m’inquiète parfois mais c’est aussi ainsi que j’ai découvert que votre absence me pesait.
Vous, vous m’aviez gardé dans votre souvenir, vous m’aviez fait survivre par ces simples mots déposés ou simplement pensés. Grâce à vous je pouvais encore m’étaler sur la toile dans ce fatras de lettres mélangées qui me font croire que quelque chose existe dans le tumulte de mes idées.
Merci d’être toujours là.
29 commentaires »
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Tellement désolée que cet ailleurs ne t’ait pas comblé mais aussi, je l’avoue, tellement heureuse de te retrouver ! tu m’as manqué Ruegy ! beaucoup ! et STP ne parle pas d’échappatoire du mensonge , de carte biseautée qui donne bonne conscience en parlant de ton écriture , elle est ta vérité , ton passé , ton présent et ton avenir , elle te ressemble , elle existe , elle est ! et on l’aime et on t’aime toi et pas une image de toi !
bises et amitié
chrystelyne
Certes que , dans ton fatras , quelque chose existe …ne serait ce que la curiosité ….
….de découvrir les autres en meme temps que toi – meme ..
L’écriture ….et seulement l’écriture , est le moyen …
Tous les autres arts sont faits pour donner ..en sens unique
L’écriture donne ….mais prend aussi …
C’est LE vrai échange …
Bisou!!!!!!!
Nous allons, nous venons, mais nous somes sur la toile, chacun à penser comment est l’autre qui se dissimule derrière ses textes.
A bientôt.
Comme je suis contente de te retrouver Ruegy mais surtout de savoir que tu es encore là. Ton texte de retour exprime bien ce désarroi, cette confusion pour ne pas dire détresse qui nous habite parfois.
Bon retour et merci, un grand merci car tu nous, tu m’as manqué.
Mireille
Chrystelyne, je n’ai pas encore exploré tout cet ailleurs, mais comme pour tous les paradis il y a toujours l’envers du décors. Toute expérience est bonne à prendre et, tu le sais, je n’ai certainement pas encore perçu l’enrichissement du changement de cap.
Bises
Chris, toujours sur la brèche. L’écriture en abeille butineuse qui pollinise les mots des uns avec les idées des autres, échange contraint et forcé pour la survie de l’écrivant.
Gros bisous
PL, je ne suis pas si sûr que ça d’avoir envie de savoir comment est celui qui est derrière un texte, ou alors pour y chercher une ressemblance avec moi même.
Mireille, toi aussi tu t’es faite rare les mois derniers. Je suis très heureux de voir que la nomade fait encore escale ici. Bises
Bonne semaine !
Pas envie de connaître qui est l’autre ?…
Curieux pour un(e) écrivant
Non pas envie de connaitre l’autre seule l’histoire m’intéresse, c’est curieux en effet un écrivant pas curieux.
Pour tout dire je serais plutôt un contemplatif, je me pose et je regarde en inventant des vies aux gens qui déambulent. C’est bien plus amusant que de savoir qui ils sont puisque de toutes façons ils ne seront pas les mêmes ni avec moi ni avec leur conjoint, leur patron ou leur boulanger.
Plaisir de te lire !!
Bien égoïste moi
Bonjour écrivant
qui invente des vies aux passant(e)s
qui s’inventent un rôle
pour survivre dans un monde qui a perdu la boussole
que les Dieux avaient confiée
Merci de ta visite !
Cordialement
Lunebleue
Shalom aleykhum,
Je me baladais de dune en dune…
Et enfin un oasis,…. chez Ruegy.
Comme tous les tuaregs,
Ma télé, c’est la poésie.
J’ai lu les pensées de Ruegy, j’ai partagé mon thé à la menthe.
Et je suis parti, en laissant un poème.
Alors danses !
Par un jour, la cour du prince convia une danseuse,
accompagnée de ses musiciens.
Elle fut présentée à la cour,
puis elle dansa devant le prince
aux sons du luth, de la flûte et de la cithare.
Elle dansa la danse des flammes et celle des épées et des lances;
elle dansa la danse des étoiles et celle de l’univers;
puis elle dansa la danse des fleurs virevoltant dans le vent.
Et le prince d’être subjugué.
Il la pria de s’approcher.
Elle se dirigea alors vers le trône
et s’inclina devant lui.
Et le prince de lui demander :
« Belle femme, fille de la grâce et de la joie, d’où vient ton art ?
Comment peux-tu maîtriser la terre et l’air dans tes pas,
et l’eau et le feu dans ta cadence ? »
La danseuse s’inclina de nouveau devant le prince et dit :
« Votre Altesse, je ne saurais vous répondre,
mais je sais que :
L’âme du philosophe veille dans sa tête.
L’âme du poète vole dans son cœur.
L’âme du chanteur vibre dans sa gorge.
Mais l’âme de la danseuse vit dans son corps tout entier. »
(Khalil Gibran, L’Errant, 1932)