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La Pluie

Classé dans : Nouvelles — 31 janvier, 2010 @ 8:50

Ce fut d’abord une pierre qui tomba à un mètre de son pied. Le ciel se couvrait d’ombres et les lumières extérieures eurent quelques soubresauts inquiétants. Elle ne s’aperçut pas tout de suite du danger et ce n’est que lorsque la pluie arriva qu’elle comprit. Les graviers de la première averse lui semblaient si inoffensifs comparés aux pierres qui dégringolaient depuis quelques minutes.

Elle tourna la tête, laissant ses cheveux flotter dans l’air sec et électrique de la cité. Un refuge ! Il fallait qu’elle trouve un refuge ! Sans attendre elle se mit à courir vers le seul endroit qui pouvait la protéger. Elle dévala les longs escaliers qui descendaient vers le Centre. La pluie la suivait. Elle savait que si elle ne parvenait pas rapidement à s’abriter elle deviendrait une cible. Elle devait coute que coute s’échapper.  Elle courrait aussi vite que ses jambes le lui permettaient lorsque, subitement, son mollet se raidit.
La décharge provoquée par la crampe la fit trébucher. Elle se mit à regretter d’avoir, encore une fois, boycotter la séance d’éducation physique organisée par le Centre. Elle n’avait jamais voulu être comme les autres, rechignant à participer à tous ces rassemblements durant lesquels chacun perdait un peu plus sa personnalité pour se fondre dans la collectivité. Elle était différente, elle en était convaincue, mais force était de constater que sa marginalité ne lui était , pour l’instant, d’aucun secours. Elle reprit sa course mais la douleur lui faisait perdre de la vitesse. Un projecteur explosa au dessus d’elle, éparpillant des confettis de métal et de verre sur son parcours. Le ciel prenait une allure de tempête, un vent puissant,chargé d’effluves qu’elle ne reconnaissait pas, projetait les pierres sur le marbre des colonnes.Elle se fatiguait . Il lui restait encore tellement à parcourir. La peur commença à s’infiltrer dans son esprit, la panique guettait l’instant d’épuisement. Elle n’aurait pas le temps, la pluie allait la rattraper, elle le savait et elle était certaine que plus rien désormais ne pourrait la sauver. Elle ralentit sa foulée,  laissant un sentiment de lassitude la submerger. Un caillou gros comme un poing la heurta sur l’épaule, lui arrachant un hurlement de douleur en même temps qu’il lui brisait la clavicule.
Haletante,  elle venait de rejoindre l’artère principale qui menait au Centre. Son bras meurtri lui enlevait tout espoir. Personne n’avait tenté de la secourir, sans doute était-ce ainsi qu’allaient les hommes, paralysés dans leur peur de l’étranger. Elle allait mourir sous une pluie de pierres, seule, différente, désormais incapable d’aller plus loin.  Soudain son œil aperçut un rai de lumière, là, à sa gauche, dans l’obscurité, l’entrebâillement d’une porte. Une autre pierre la frappa à la tête, elle tomba… à un mètre de mon pied.

18 commentaires »

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  1. Chris dit :

    ..une fourmi ? ….une abeille ? ….une tite bestiole ? ….surprise par l’orage ?

    …ou une micro – fée ????

  2. PbC dit :

    belle lecture pour commencer une journée

  3. Roland Ivy dit :

    Des pierres qui tombent en pluie et la blessent dans l’indifférence générale… Tellement symbolique. Je pourrais presque trouver ça beau si ça n’était pas aussi inquiétant.

  4. Quichottine dit :

    Curieux… je n’ai pas du tout pensé à un animal…
    Ce qui m’a fait mal, c’est que tu n’aies rien fait pour l’aider.

    Qu’est ce qui t’a empêché de bouger ? Tu étais mort aussi ? Déjà enseveli sous cette pluie de pierre et de métal ?

    J’ai froid.

  5. chrystelyne dit :

    Comme Roland ton texte m’évoque une lapidation , l’indifférence générale qui l’entoure, tes mots disent avec force la cruauté, la peur, le courage de celle qui ne veut pas rentrer dans le rang et ainsi est condamnée à mort, la fin est terriblement dramatique et nous interpelle tous , il faudrait faire bien plus que d’entrouvrir une porte !

    bises
    chrystelyne

  6. ruegy dit :

    Chris, on pourrait penser qu’il s’agit d’une vie sans importance mais alors pourquoi l’écraser ? Une fée-d’hiver, très certainement.
    Merci PbC :)
    Oui Roland, c’est inquiétant que la peur et l’ignorance empêchent les Hommes de se dresser contre ces absurdités, à moins que ce ne soit que de l’indifférence et dans ce cas Chris a raison … il ne s’agit plus d’êtres humains mais de bestioles.
    Quichottine, les vrais militants, ceux qui ouvrent leur porte ne sont qu’une poignée et je n’en fais pas partie. Se contenter de signer des pétitions n’est-ce pas seulement entrouvrir une porte sans bouger.
    Chrystelyne, faire plus oui, mais quels pourraient être les leviers pour lutter contre cette horreur ?

  7. La Bernache dit :

    J’arrive très en retard pour lire – difficile de se rendre sur un blog qui ne se manifeste presque jamais et pourtant , combien j’aime te lire …mais bon…
    S’agit-il d’un ouragan qui s’annonce ?…obligée d’y penser avec les derniers événements – Amicalement

  8. ruegy dit :

    C’est vrai Blanche, je ne donne pas de nouvelles et je ne vais plus voir personne, j’en suis désolé mais l’énergie me fait cruellement défaut et je crains que ça ne s’améliore pas pendant les prochains mois. Merci, sincèrement, d’être passée me faire un petit coucou. Grosse bise.

  9. La Bernache dit :

    Touchée de te savoir éprouvé dans ta santé cher Ruegy –
    La priorité reste ta santé avant tout – les temps sont durs pour beaucoup sur tous les plans – Je t’embrasse fort et te disant à l’oreille  » ça va le faire , courage , demain sera meilleur qu’aujourd’hui ! inch’Allah !  » ;-) :-)

  10. fabienne dit :

    parfois au coeur des heures sombres on n’entrevoit plus la lumière, vivre debout ou mourir à petits feux un peu plus chaque jour, mourir pour des idées oui mais de mort lente comme dirait la chanson…

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