Silhouettes d’un rêve
Par delà le vieux mur dominé par les Cieux
Une plaine désolée qui ne voit plus passer
Que quelques rares corneilles aux plumes décolorées,
Où la terre arasée a perdu la Mémoire
Des saisons disparues qui s’y sont succédées;
Oubliés les labours, les semailles et les blés.
La vie y était pleine de l’imbécile Espoir
Qu’affichent les amants dans le regard aimé,
De cet air triomphant que ponctuent les baisers.
Mais combien ont perçu dans ce bonheur Précieux
La traitrise des jours qui passent sans pitié
Et effacent le temps de l’amour murmuré ?
Par delà le vieux mur je te rêvais, le Soir,
Parmi les fossoyeurs dans leur repère exsangue,
Balançant des pourquoi sur des ailes boomerang.
Car moi en ces temps là je maudissais les Dieux
Et me glissais transi sur le marbre gelé
Tel un ange déchu sur la pierre gravée,
Offrant mon corps blessé à la mort Victorieuse
Et bénissant l’hiver et son mortel ennui
Qui descend sur la vie dès que tombe la nuit.
C’est là bas que reviennent, en escortes mouvantes,
Les silhouettes tremblotantes de mes rêves mourants.
Me suivant pas à pas pareilles aux feux follets,
Elles surveillent mon errance en cortèges accablés.
Ce sont ces petites vieilles endeuillées par les guerres,
Qui racontent et racontent le bon temps de naguère,
Où encore ces bigotes haranguant mes misères
Et encore et encore que je me désespère,
Qui, quand elles sont lassées de mon âme contrite,
S’approchent un peu plus près reluquant ma folie,
Appuient encore une fois sur mon cœur souffrant
Et s’éloignent voutées dans les aurores givrantes.